Appel à contributions

Actes de la recherche sur le développement durable

éditée par l’Institut Universitaire du Sud (Univ-Sud)
Jacqueville, Côte d’Ivoire

 

Numéro 2 – 2022

« Biodiversité et développement durable »

 

Pour son second numéro à paraître en novembre 2022, Actes de la recherche sur le développement durable souhaite aborder la question de la biodiversité, dans sa relation avec le développement durable.

Le terme biodiversité (contraction de biological diversity) a fait son apparition avec la première grande alerte lancée par des scientifiques à la fin des années 1980 sur la menace d’une extinction massive des espèces ; et cela dans le contexte des premières élaborations internationales de la notion de développement durable, prenant en compte la nécessité de préservation de l’environnement et des ressources naturelles. La notion de biodiversité est donc d’emblée liée à ces deux idées qui la placent au cœur des débats sur le développement durable : une menace sur la diversité du vivant provoquée par l’expansion des activités humaines et un impératif de sauvegarde.

Dès le moment où le terme a été énoncé, la biodiversité s’est trouvée au cœur d’enjeux économiques, (géo)politiques, idéologiques et éthiques considérables qui n’ont cessé de s’aiguiser au fil des années. La notion elle-même paraît indissociable de ces enjeux. Les connaissances scientifiques sur la biodiversité ne sont donc pas « neutres » : elles sont inscrites dans une pluralité de positions, et sont notamment prises entre plusieurs pôles : d’un côté leur constitution en « sciences de la conservation » qui se mobilisent pour faire face à une situation de crise ; de l’autre côté leur enrôlement comme facteur de production sur un nouveau front de l’expansion du capitalisme globalisé (biotechnologies, pharmacologie, marché des « droits à polluer » et de la préservation, etc.) ; ou bien encore leur investissement dans l’analyse de l’impact des activités humaines sur les milieux naturels à des fins de régulation écosystémique et de gestion durable des ressources naturelles.

La biodiversité apparaît comme un aspect fondamental de l’existence et de la dynamique du vivant. Les sciences naturelles évaluent la biodiversité sur trois niveaux : celui des espèces (coexistence de différentes espèces au sein d’un même écosystème), celui des écosystèmes (différenciation des écosystèmes en fonction du support de vie) et des gènes (variabilité du patrimoine génétique au sein d’une même espèce). C’est l’interdépendance entre ces trois niveaux qui est constitutive d’écosystèmes dynamiques (adaptabilité du vivant). Mais ceux-ci sont eux-mêmes en interdépendance avec des activités humaines en constante évolution, à l’échelle microlocale de situations singulières (organisation sociale, politique, économique à l’origine des logiques pratiques et idéelles du rapport à l’environnement et aux ressources qui en sont extraites), comme à l’échelle planétaire du changement climatique et de la transition écologique.

Du côté des sciences sociales et de la philosophie, la prise en compte de la biodiversité renouvelle les approches classiques des relations des sociétés à leur environnement naturel, et cela à plusieurs niveaux. Comment la question de la biodiversité (et les enjeux complexes qu’elle condense) est-elle introduite institutionnellement, socialement, politiquement, économiquement ? Quelles significations en sont produites par les sociétés et de quelle manière ? Comment sont fabriquées les normes internationales en matière de préservation de la biodiversité ? Comment sont-elles traduites dans les règlementations nationales et mises en application ? Que transforment-elles des relations entre différentes catégories d’acteurs, aux intérêts souvent divergents voire ouvertement conflictuels : communautés locales, groupes militants, États, ONG, entrepreneurs locaux, investisseurs nationaux ou transnationaux, experts, scientifiques ? La question des inégalités (sociales, économiques, politiques, etc.) et des rapports de force se niche au cœur de la question.

Ces perspectives complexifient également les oppositions classiques entre différentes approches des finalités et des moyens des politiques et réglementations à mettre en œuvre : préservation, conservation ou protection des espaces naturels ? Les recherches de ces dernières décennies ont largement montré le caractère illusoire des visions forgées sur des milieux auparavant décrits comme « naturels », « vierges » ou « primaires », à l’instar des forêts tropicales. Ces milieux jusqu’alors considérés comme « sauvages » ont en réalité été de longue date investis et transformés par l’action humaine qui, selon les circonstances, a contribué à appauvrir ou à enrichir leur biodiversité.

Ces constats confèrent toute son acuité, mais aussi son ambivalence et ses limites, à la notion de service écosystémique. Élaborée dans une visée pragmatique, souvent critiquée pour son anthropocentrisme voire son utilitarisme (i.e. la biodiversité doit être préservée parce qu’elle constitue la condition d’une gestion durable des ressources, voire un gisement de ressources non encore exploitées), cette notion peut néanmoins être mobilisée à des fins pédagogiques, pour faire prendre conscience de l’importance de la préservation d’espèces singulières ou d’écosystèmes particuliers dans la perspective de pérenniser des ressources naturelles et/ou écologiques au niveau local, ou dans l’urgence globale de la lutte contre le changement climatique. Elle peut ainsi contribuer à modifier les représentations pour faire évoluer les pratiques lorsque celles-ci s’avèrent destructrices (surexploitation, défrichage et transformation des habitats naturels, usages de produits éco-toxiques comme les pesticides, pollutions urbaines et industrielles, effets induits des industries d’extraction, gestion des déchets, introduction d’espèces invasives, etc.). La notion de service écosystémique est elle-même plurielle : elle peut se décomposer en quatre grands faisceaux pour signifier les services d’approvisionnement rendus à l’homme par les écosystèmes (culture, exploitation, prédation, extraction), les services de régulation (climat, qualité de l’eau ou de l’air, pollinisation, érosion, gestion des risques naturels etc.), les services culturels (détente, loisirs, inspiration artistique, éducation, activités religieuses etc.) et les services de support nécessaires à la (re)production des trois autres (formation des sols, cycle de l’eau etc.).

La pandémie de covid-19 a récemment donné une nouvelle actualité à l’ensemble de ces questions, alors même que la problématique des maladies émergentes (épizooties pour l’essentiel) est portée par les scientifiques depuis une cinquantaine d’années. Les questions de santé publique, et notamment la perspective « une santé unique » impliquent de s’intéresser d’un même mouvement à l’ensemble des interactions entre communautés humaines et leur environnement naturel, dans un contexte de globalisation des échanges internationaux.

Ce second numéro de la revue ARDD a l’ambition de fournir un aperçu de la manière dont ces questions complexes sont abordées dans les différents champs disciplinaires qu’elles mobilisent, quelles que soient les aires géographiques.

La notion de biodiversité est-elle opératoire d’un point de vue scientifique ou bien en termes de politique publique ? Comment est-elle problématisée dans les sciences naturelles, les sciences sociales ? Comment ces différents champs de connaissance peuvent-il collaborer, et à quelle fin ? Selon les cas, quels problèmes épistémologiques cela soulève-t-il ? Quelles méthodologies peuvent être mises en œuvre pour interroger cet objet complexe ?

Ce numéro pourra accueillir des articles qui abordent la question du point de vue théorique, épistémologique et méthodologique, sous un angle global comme du point de vue de l’étude de cas particuliers, de démarches expérimentales localisées, dans tous les espaces géographiques et relevant de toutes les disciplines scientifiques. La problématique concerne les recherches dites fondamentales ou appliquées (agronomie, sciences de l’ingénieur, architecture, urbanisme, paysagisme, aménagement, etc.).

Les auteur.e.s sont invité.e.s à illustrer comment elles/ils mobilisent la notion de biodiversité sous trois aspects : au plan des connaissances, au plan pratique de l’expérience, et en explicitant la forme que prend l’implication de la/du chercheur.e dans l’expérience qu’elle/il observe. Nous souhaitons recueillir un éventail très large de modalités de mise en œuvre des recherches : expériences de recherche-action, engagement du/de la chercheur.e auprès des acteurs de son terrain, ou recherche distanciée visant à alimenter la réflexion sur l’action, la pratique, les normes, etc.

Les articles doivent être rédigés dans une langue accessible, avec un souci de pédagogie, et demeurer suffisamment synthétiques pour ne pas dépasser 40 000 signes.


Calendrier

– Les propositions d’article (résumés) sont à adresser avant le 31 janvier 2022 à l’adresse de la rédaction

– Les articles complets (40 000 signes) doivent parvenir au plus tard le 30 avril 2022.

– La parution du numéro est prévue en novembre 2022.


Appel à articles : autres rubriques

La revue ARDD publie également :

– des articles hors-thème (varia)

– des articles consacrés à la biographie et à l’action de personnages emblématiques, d’Afrique ou d’ailleurs (tels René Dumont, Wangari Muta Maathai).

– des articles présentant des institutions, organisations, associations dont l’action (recherche, enseignement, diffusions de connaissances, etc.) se situe dans le champs du développement durable.

– Des comptes rendus d’ouvrage et notes de lecture.